La musique classique mène à tout. À tout comme à Crusz. A vingt-cinq ans à peine, Crusz est déjà un des futurs prodiges des combinaisons électroniques à la française. Flash-back : enfance en banlieue parisienne, étudiant en fac de musique à Strasbourg, spécialisé dans le saxophone, Crusz découvre l'usage des machines, un peu par hasard, en les utilisant pour éditer des partitions classiques alors que ses oreilles vibrent déjà entre les coups de butoir électroniques de Motorbass et l'insolence du hip hop qui sème la pagaille (Premier, Dr Dre). Résolu à ne pas plonger dans la voie royale tracée par le conservatoire, il investit l'héritage qu'il tient de son grand-père dans l'achat de synthétiseurs et autres samplers et se lance à corps perdu dans la composition. La chance lui sourit alors en la personne de Julien (aka Jayrockz), membre fondateur du label 20000ST, à qui il glisse, lors d'une soirée, une cassette démo. Immédiatement recruté par ce jeune label qui détecte tout de suite son talent en germe, il tente l'aventure et décide de revenir vers Paris, il y a quelque trois ans. Trois années mises à profit par Crusz, au sein du jeune label, pour combiner et conforter ses casquettes d'ingénieur du son, de réalisateur ou de producteur pour d'autres artistes du label, comme pour lui-même. Son premier effort solo et maxi "There has been a lot of whispering about him " le voit remarqué par la mouvance électronique parisienne, mais c'est véritablement son bootleg - plus ou moins officiel - du fabuleux "Somebody's Watching Me" de Rockwell qui lui vaudra l'acclamation des foules et l'ascension des charts. Après un an et demi, passé à peaufiner son premier album, Crusz lâche enfin sa bombe longue durée, un "Redemption" qu'il définit non sans espièglerie comme de l'opéra moderne, avouant sans honte son amour de la musique classique comme de la variété mainstream. C'est ce grand écart entre ses influences et sa formation musicale qui fait la force des quinze titres de ce premier album. Crusz confirme son habileté à jouer avec l'électronique pour l'emmener vers des contrées inconnues. Portés par les voix d'Harrison Crump (chanteur de Felix Da Housecat), Yann Destal (ex-Modjo), Boris Schneider, Naommon ou le très prometteur Apollo, les quinze titres de l'album vont de l'électro-pop mélancolique ("Alone") à l'école post-r'n'b vicieuse ("Blonde Girl") ou vers d'étranges fantasmes d'électronique cristalline ("I'm a wasp") comme tirés de bandes originales futuristes. Une épopée sonore comme seul un opéra pourrait la porter, avec humilité et grandiloquence. Le tout revisité à la sauce électronique d'aujourd'hui, entre pleins et déliés, dancefloors et ballades FM, tuner et ghetto blaster, instruments organiques et boîtes à rythmes. Et sans perdre de vue à aucun moment l'obsession du format pop de ses titres. Car comme Crusz le dit avec une étincelle dans le regard : " "Redemption" est un album de variété internationale ". Mais de la variété comme on en écoutera demain. Patrick Thevenin www.cruszmusic.com |